Il s’appelait Doll, de Jonathan Ames

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Hank Doll a quitté la police depuis longtemps. Devenu détective privé et vigile dans un salon de massage, il coule des jours et des nuits plutôt tranquilles à Los Angeles. Quand Lou, son ami de longue date, cet ancien collègue qui lui sauva la vie jadis, vient lui demander un rein, Hank se donne un petit temps de réflexion. Une hésitation trop longue finalement. Hank n’avait pas mesuré à quel point le destin peut s’accélérer parfois, et les embrouilles vous tomber dessus à la vitesse d’un cheval au galop. Impossible d’imaginer qu’il devra tuer un client trop entreprenant du salon, client qui lui arrache au passage une partie de la joue. Impossible de prévoir que Lou va mourir dans ses bras après avoir pris une balle dans le buffet…

Jonathan Ames reprend les codes du roman noir dans cette histoire aux multiples rebondissements. Il leur applique néanmoins quelques distorsions assez subtiles pour que le lecteur se complaise dans cet univers normé sans pour autant qu’il s’ennuie avec l’impression d’avoir sous les yeux du déjà-lu. Hank a tout du détective hard-boiled qui se traîne quelques bonnes névroses. Il est plus attachant cependant que nombre de ses prédécesseurs. Rien chez lui ne respire la testostérone et quand il fonce dans le tas c’est plus par instinct de survie que pour jouer les super héros. Plus encore que dans une trame classique, ce sont les circonstances qui le font réagir et révèlent sa désarmante fragilité. L’action pèse à ce quinquagénaire mélancolique amoureux de littérature de genre. S’il se lance avec bravoure au-devant des emmerdes, c’est par un sens aigu et désuet du devoir, une once de culpabilité et une fidélité immense envers ceux qu’il aime. Hank est fidèle comme un chien. Envers son vieux copain Lou. Envers Monica, avec qui il a eu une liaison fugace et à qui il n’ose déclarer sa flamme. Et surtout envers George, son propre chien, « cet ami très cher avec lequel il se trouve qu’il vit », et qui nous vaut les pages les plus émouvantes du roman. Car si l’intrigue est bien menée et que la tension se poursuit sans s’essouffler jusqu’à la fin, ce ne sera pas le souvenir d’une intrigue exceptionnelle, ni l’impression d’en avoir appris beaucoup sur les bas-fonds de LA qui nous marqueront durablement, mais bien des passages émouvants d’une tendresse rarement atteinte, comme celui-ci : « je l’embrasse dans le cou avant d’éteindre la lumière comme s’il était ma femme (…) Ensuite, une fois les lumières éteintes, il s’enfonce sous les draps et colle son corps chaud contre le mien, et là, je suis prêt à chanter comme Fred Astaire : Heaven, I’m in heaven. »

Il s’appelait Doll, de Jonathan Ames

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Lazare Bitoun

Joëlle Losfeld, 2024

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